Perte d’autonomie imputable à l’accident ou à l’âge de la victime ?

Prouver l’imputabilité des séquelles d’un accident est fondamental pour la prise en charge financière de la tierce personne et de la mise en institution…

Le réflexe assureur face à l’accident corporel d’une personne âgée de 60 ans et plus est de considérer que sa perte d’autonomie est due avant tout à sa vieillesse et non imputable à l’accident. Par ailleurs, nous constatons que plus l’âge d’une victime est avancé, plus les offres d’indemnisation tardent à venir… Nos victimes s’en étranglent d’indignation. Alors que d’un côté, la société des loisirs et du tourisme s’arrachent les retraités de plus en plus actifs et sportifs, de l’autre, les assureurs les considèrent « vieux » dès lors qu’un accident les rend dépendants.

Si les assureurs ont tendance à faire l’amalgame entre dépendance et âge de la victime en arguant que le vieillissement en est plus sûrement responsable que l’accident, c’est évidemment que l’enjeu est financier : l’indemnisation de la victime et celles de ses proches par les assureurs du responsable. Prise en charge financière de la Tierce Personne ou de la mise en Institution ; préjudice d’affection des victimes par ricochet; perte de revenus des proches ou perte de revenus subie lorsqu’elle est liée à la nécessité d’assurer une présence auprès de la victime – ne pouvant se cumuler avec une indemnité au titre de l’assistance par une tierce personne – ; frais divers des proches tels que le transport et l’hébergement si la victime séjourne dans un établissement éloigné de sa famille ; et préjudices extrapatrimoniaux exceptionnels qui permettent d’indemniser les bouleversements de leur mode de vie au quotidien.

Il est vrai que bien souvent, l’impact d’un accident est plus implacable chez une personne âgée et a pour conséquence de déclencher des pathologies dites « en sommeil ». S’en suivent alors des « batailles » médicales et juridiques autour de l’incontournable notion d’imputabilité. Mais peut on savoir exactement à quel moment et dans quelles proportions l’état de dépendance se serait déclaré du fait de l’âge ? Les médecins experts et gériatres se prononcent rarement dans l’affirmative, sauf à parler d’une pathologie spécifique telle la maladie d’Alzheimer, selon si elle s’était déclarée ou non avant l’accident.

picto-medical2Exemple pour deux de nos victimes, respectivement âgée de 74 et 84 ans. Ces deux femmes, piétons au moment de l’accident, ont été renversées sur la voie publique. Toutes deux étaient parfaitement autonomes pour les actes essentiels de la vie courante, voire plus. Or, suite à leurs accidents non-responsables, ces dames se trouvent rapidement en état de dépendance totale et prises en charge dans une institution.

La victime de 74 ans a subi un polytraumatisme, dont un traumatisme crânien léger. Dans les mois qui suivent, elle est victime d’une chute dans des circonstances inconnues. S’en suit un trouble aphasique que l’expert rattache à un accident vasculaire cérébral non imputable à l’accident, soulignant par ailleurs, qu’avant la date de l’accident, la victime présentait les prémices d’une maladie de type Alzheimer révélés par de légers troubles cognitifs. Définitivement soignée dans une institution, cette dame se voit opposer cette maladie et limiter dans le temps la prise en charge de son institutionnalisation. Compte tenu de sa parfaite autonomie avant son accident, sa famille rejette cette analyse de la situation et veut continuer à se battre, notamment par la mise en place d’une nouvelle expertise médicale…

Par contre, notre victime âgée de 84 ans, ne voit pas son droit limité alors que des lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer ont été trouvées à l’IRM réalisée après l’accident et, que des antécédents familiaux sont avérés. Par chance, l’expertise médicale a conclu que la dégradation cognitive était latente, certes, mais que c’était l’accident qui avait accéléré la révélation de ce processus latent. Les lésions cérébrales dégénératives étaient donc présentes, mais sans se manifester avant. Ainsi, le droit de la victime à obtenir indemnisation de son préjudice corporel ne peut-être réduit en raison de la prédisposition pathologique à développer cette maladie neurodégénérative incurable.