La victime d’un aléa thérapeutique faisant suite à un acte de chirurgie esthétique dit de confort ne pourra plus être indemnisée par l’ONIAM. Ainsi s’énonce dans la nouvelle Loi de Finances de la Sécurité Sociale 2015, cette décision « restrictive » du droit des victimes d’accident médical non-fautif – aléa thérapeutique -, par rapport à la » Loi Kouchner » de 2002.
La seule option désormais ouverte pour l’indemnisation d’un préjudice corporel consécutif à un acte de chirurgie esthétique de confort : « le combat judiciaire »…
Indemnisation des aléas thérapeutiques de la chirurgie esthétique : retour avant 2002 ?
Avant la loi du 4 mars 2002, la responsabilité incombait aux victimes d’accidents médicaux de prouver l’existence d’une faute de l’établissement ou du professionnel de santé afin de percevoir une indemnisation. La réparation financière était impossible lorsqu’aucune partie n’était déclarée fautive. Et seule la mise en cause de la responsabilité civile d’un professionnel de santé pouvait donner lieu à indemnisation.
Une décision du tribunal de Grande instance de Toulon du 24 juin 2010 avait précisé que les actes chirurgicaux « sans but curatif et de pure convenance, autrement dit de confort » n’entraient pas dans le champ d’application de l’article L1142-1 du Code de la Santé publique.
En l’absence de faute du professionnel de santé, seuls les actes de prévention, de diagnostic ou de soins pouvaient donner lieu à indemnisation.
Les règles de prise en charge des aléas thérapeutiques issues de la jurisprudence étaient très strictes et devaient remplir cinq conditions :
1. Le dommage corporel devait résulter d’un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade ;
2. L’existence du risque devait être connue mais sa réalisation devait être exceptionnelle ;
3. Aucune raison ne devait permettre de penser que le patient était particulièrement exposé à ce risque ;
4. Le dommage devait être sans rapport avec l’état initial du patient comme avec son évolution prévisible ;
5. Le préjudice devait enfin présenter un caractère d’extrême gravité.
Victime d’aléa thérapeutique et indemnisation par l’ONIAM avec la Loi Kouchner du 4 mars 2002
Outre le droit à l’accès au dossier médical par le patient, la loi Kouchner a mis en place, l’indemnisation par l’ONIAM au titre de la solidarité nationale, des conséquences de certains accidents médicaux non fautifs, ou aléas thérapeutiques, prévue par l’article L1142-1 du code de la santé publique : « Un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci. »
Le préjudice corporel pouvait donc résulter d’un acte de prévention, de diagnostic ou de soins ayant eu des conséquences anormales graves et une demande d’indemnisation pouvait alors être faite auprès de l’ONIAM (Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux), à condition de présenter des préjudices atteignant un seuil de gravité d’au moins 24% de Déficit Fonctionnel Permanent.
Jusqu’à aujourd’hui, la finalité de l’acte médical n’était pas prise en compte et les actes de chirurgie esthétique logiquement inclus dans ce processus de recours en indemnisation.
Victime d’aléa thérapeutique et fin de l’indemnisation par l’ONIAM de la chirurgie esthétique non-réparatrice
Pourtant, il y a un an, la Cour de cassation (Civ. 1ère 5 février 2014 n°12-29.140) avait énonçé : « que les actes de chirurgie esthétique, quand ils sont réalisés dans les conditions prévues aux articles L. 6322-1 et L. 6322-2 du Code de la santé publique, ainsi que les actes médicaux qui leur sont préparatoires, constituent des actes de soins au sens de l`article L. 1142-1 du même code ». En l’occurence, dans cette affaire, une jeune femme était décédée dans le cadre d’une opération de liposucion. Cette décision impliquait donc pour l’ONIAM de prendre en charge l’indemnisation des victimes d’accidents médicaux non fautifs résultant d`actes de chirurgie esthétique et des actes préparatoires à ces interventions, lorsque les critères de gravité seraient réunis.
Mais depuis le 1er janvier 2015, la nouvelle LFSS – Loi de Finances de la Sécurité Sociale – prévoit de ne plus verser d’indemnités aux victimes d’opérations de chirurgie esthétique en cas d’accident » non fautif « . Autrement dit, l’indemnisation sera exclue en cas d' »aléa thérapeutique », c’est-à-dire quand la responsabilité du personnel médical ou celle de l’établissement de santé ne sont pas en cause. Sont donc exclus de l’indemnisation par l’Oniam les dommages corporels » imputables à des actes dépourvus de finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice, y compris dans leur phase préparatoire ou de suivi « .
Dans la chirurgie esthétique, seuls les actes de chirurgie réparatrice pourront donner lieu à une demande d’indemnisation devant l’ONIAM.
La nouvelle donne ne s’applique qu’aux demandes d’indemnisation postérieures au 31 décembre 2014.
Ainsi, le seul recours désormais ouvert aux victimes d’un aléa thérapeutique – accident médical non-fautif – suite à un acte de chirurgie esthétique de confort, sera de demander réparation devant les tribunaux où les juges devront différencier les actes de soins des actes de confort et apprécier le degré de gravité.
Le débat ne fait que commencer…
Alors que les spécialistes de l’indemnisation des accidents médicaux y voient une régression du droit des victimes, avec l’objectif affiché de faire environ 800 000 euros d’économie par an, les autres défendent l’intérêt de distinguer les actes thérapeutiques des actes non thérapeutiques et de ne pas faire peser sur la solidarité nationale, les abus en matière de chirurgie esthétique…
Le contentieux sur la définition d’un acte à « finalité préventive, diagnostique, thérapeutique ou reconstructrice » va certainement faire couler beaucoup d’arrêts et de jurisprudence.
Et les délais de recours vont peut-être encore malheureusement s’allonger ? Car, au cas par cas, les tribunaux devront s’efforcer de définir l’acte esthétique de pur confort et, le différencier de l’acte de soins. Alors, quid de l’opération de la myopie ? Quid des IVG médicamenteuses ? Quid de la circoncision ? Quid de l’opération de la myopie ? Quid de la chirurgie de l’obésité ?…