Drogue et indemnisation des victimes d’accident de la route : de la réduction à l’exclusion de la réparation du Préjudice Corporel


ans le nouveau plan de lutte contre les mauvais chiffres de la sécurité routière présenté fin janvier 2015 par le gouvernement, figure la lutte contres les drogues au volant. Les analyses sanguines effectuées sur les victimes d’accidents marquent la présence fréquente de stupéfiants.
Contrairement à l’alcool, « drogue considérée légale », ce n’est pas un taux fixé par la Loi, qui détermine l’étendue des sanctions pénales mais la simple preuve de l’usage de stupéfiants.

Selon les principes du code de la route, une personne qui a fumé un joint dans les jours précédant le contrôle au volant est coupable d’un délit et peut être condamnée à une suspension du permis de conduire et à une perte de points. L’article L. 235-1 du code de la route, en son premier paragraphe, est strictement punitif : « Toute personne qui conduit un véhicule ou qui accompagne un élève conducteur alors qu’il résulte d’une analyse sanguine qu’elle a fait usage de substances ou plantes classées comme stupéfiants est punie de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende ». A son défenseur de prouver alors que la victime était consciente et cohérente au moment de l’accident, sans que ses perceptions de l’espace et du temps ne soient affectées. Et, ce, afin de préserver le plus possible son droit à l’indemnisation de son préjudice corporel, ou du moins, pour qu’il soit le moins réduit possible.

En effet, les contrats d’assurance nous assurent à condition de ne pas conduire sous l’emprise de drogues, qu’elles soient légales comme l’alcool ou illégales comme le cannabis. Alcool et drogue au volant : réduction ou exclusion du droit à l'indemnisation de la victime d'un accident de la route.

En cas d’accident de la route, les dommages corporels d’une victime sont normalement pris en charge par l’assureur adverse, sachant qu’avant d’établir les responsabilités de chacun, l’assureur de la victime est censé lui avancer « l’argent » et se faire payer à terme par l’assurance adverse. S’il est avéré qu’une victime a consommé du cannabis, son assureur refuse en général de lui verser des provisions, tandis que l’assureur adverse exclue ou, au mieux, réduit son droit à indemnisation…

Mais dans quelle mesure la victime d’un accident peut-elle se voir opposer sa conduite sous l’empire du cannabis ? Autant dire, d’emblée, qu’il est impossible de se défendre seul et que l’habileté des défenseurs d’une victime, qu’ils soient juristes ou avocats, entre, alors, en jeu. Quoiqu’il en soit, nous constatons qu’il n’est pas toujours judicieux de porter l’affaire devant les tribunaux, et qu’il vaut parfois mieux accepter la réduction du taux des indemnités négociée avec l’assureur, tant la consommation d’une drogue illégale reste délicate à contourner…

Lien de causalité entre consommation de stupéfiants et accident :  le rôle de la manoeuvre imprévisible

Il est possible, dans certaines circonstances, de limiter la réduction de l’indemnisation d’une victime.
A priori, les circonstances de l’accident permettent d’apprécier s’il existe un quelconque lien de causalité entre la consommation de stupéfiants du conducteur victime et la réalisation de son préjudice. Notamment, car la jurisprudence a fréquemment écarté tout défaut de maîtrise face à des mouvements de déport soudain.

Il s’agit souvent pour les défenseurs d’une victime de démontrer que, quel que soit « l’état d’ivresse cannabinique » dans lequel la victime se trouvait au moment de l’accident, il lui était impossible d’éviter le véhicule adverse qui se présentait de manière inopinée devant lui. L’idée étant de démontrer que le cannabis ne pouvait être considéré comme ayant eu un rôle causal dans la réalisation du préjudice, car la manoeuvre du véhicule adverse était imprévisible et ne pouvait donc permettre de reprocher un quelconque défaut de maitrise à la victime.

Effectivement, la jurisprudence a fréquemment écarté tout défaut de maîtrise face à des mouvements de déport soudain. La Cour d’Appel d’Aix en Provence, par exemple, dans un arrêt du 7 octobre 2008 : « … le simple fait que la motocyclette de M. Y soit entrée en collision avec le véhicule de M. X ne suffit pas à établir la preuve d’un défaut de maîtrise de sa part ; … M. Y a pour le moins été surpris par le brusque déport sur la gauche du véhicule de M. X et l’échec d’une manoeuvre de tentative d’évitement n’est pas en soi fautive (…). Dit que M. Y n’a
commis aucune faute et que son droit à indemnisation est donc entier ».

C’est ainsi que les défenseurs des victimes s’emploient à prouver que le cannabis consommé plusieurs heures avant, ou le jour antérieur à l’accident, n’était plus actif et que les tests psychomoteurs et psychologiques ne démontrent pas des troubles suffisamment importants pour avoir causé l’accident. Et, notamment, si le dépistage n’a abouti qu’à un taux de THC relativement faible – Tétrahydrocannabinol : la molécule psychotrope la plus connue contenue dans le cannabis – pouvant démontrer l’absence d’influence du cannabis sur le conducteur victime.